Vous envisagez d’acheter un fonds de commerce ou une entreprise ? Généralement, deux options sont possibles : le rachat du fonds de commerce (ou fonds artisanal) de la société, ou bien le rachat des titres (actions ou parts sociales) de la société.
Comment choisir entre cession de fonds de commerce ou acquisition de société ?

Afin d’opter pour la meilleure stratégie, il est nécessaire de comprendre les différences entre un achat de fonds de commerce et une acquisition de société, chacune de ces opérations ayant leurs avantages et inconvénients respectifs.

A l’aune de notre expertise croisée en qualité d’avocat spécialisé en cession immobilière et d’expert-comptable commissaire aux comptes, nous vous apportons ici quelques informations pratiques pour vous aider à déterminer l’opération la plus appropriée à vos besoins.

I. Quelles sont les différences entre une cession de fonds de commerce et une cession de titres ?

Une cession de fonds de commerce consiste, pour une société, à céder l’ensemble des éléments nécessaires à l’exercice de son activité, son outil de travail en d’autres termes, constitué à la fois d’éléments matériels (les moyens de production), et d’éléments immatériels (le droit au bail, l’enseigne, la clientèle, etc.).

Une cession de parts sociales ou cession de titres (selon que la société soit une SARL ou SAS) est le fait pour un associé (le cédant) de vendre à un acquéreur (le cessionnaire), tout ou partie des droits qu’il détient dans le capital social d’une entreprise. On va ainsi opérer un changement de contrôle de la société.

Les principales différences entre ces deux figures juridiques sont rappelées ci-dessous :

A. Vis-à-vis des dettes

C’est l’une des différences majeures entre ces deux modes de cession : une cession de fonds de commerce n’emporte pas le transfert des dettes de l’entreprise. Inversement, en cas de rachat des titres, les dettes de la société sont transférées à l’acquéreur (puisqu’il prend le contrôle de l’entité dans sa globalité). Il sera donc nécessaire pour l’acheteur de se prémunir contre la survenance de dettes (notamment fiscales ou sociales) qui pourraient survenir postérieurement à la cession, ayant pour origine la gestion de son prédécesseur.

Pour ce faire, il faudra prévoir ce que l’on appelle une convention de garantie d’actifs et de passifs (la fameuse « GAP ») par laquelle le vendeur s’engage à indemniser l’acheteur si l’actif diminue ou si le passif augmente après la cession, pour des causes antérieures à la cession.

B. Vis-à-vis des contrats en cours

L’autre différence importante entre la cession de titres et la cession de fonds de commerce concerne le sort des contrats en cours.

En effet, lorsqu’un acquéreur achète les titres, les contrats de la société lui sont tous transmis. Ces dernières se poursuivent ainsi normalement. Cette situation peut être problématique lorsque l’acquéreur souhaitait se séparer d’un contrat (par exemple avec un fournisseur trop cher).

Inversement, en cas de cession du fonds de commerce, l’acquéreur peut décider de ne pas reprendre certains contrats en cours. L’opération d’acquisition peut ainsi être faite sur mesure. Notons qu’il n’existe pas de différence s’agissant des salariés, la loi prévoyant la reprise des contrats de travail par le repreneur dans l’un et l’autre cas.

C. S’agissant des délais pour percevoir le prix

Sur le plan procédural, ces deux opérations ont également des conséquences pratiques à ne pas sous-estimer.

En effet, les délais permettant au vendeur du fonds de commerce de percevoir le prix de cession sont souvent importants (en général plus de 4 mois). Cela est lié aux règles de solidarité fiscale qui s’appliquent entre le vendeur et l’acquéreur, période pendant laquelle il s’avère nécessaire de séquestrer le prix de vente (entre les mains d’un avocat ou d’un notaire), afin de prémunir l’acquéreur de tout appel en garantie de son vendeur.

Le prix de cession en cas de vente de titres sociaux peut en revanche être perçu immédiatement par le vendeur, ce qui peut représenter un avantage certain, notamment pour lui permettre de réaliser immédiatement une nouvelle opération d’investissement.

Outre ces différences processuelles, il existe également une différence s’agissant du traitement fiscal de ces opérations, comme on va le voir ci-dessous.

II. Quelles sont différences fiscales entre une cession de fonds de commerce et une cession de titres de société ?

Le traitement fiscal des opérations de cession de fonds de commerce ou cession de titres constitue généralement le critère permettant d’opter pour une opération ou une autre.

A. Le traitement fiscal de la cession du fonds de commerce

L’administration fiscale étant généreuse, elle n’oublie personne. Ni le vendeur, ni, l’acquéreur. Nous distinguons donc les impôts dus par le vendeur et par l’acquéreur avant de réserver une place à la fiscalité intéressant les deux parties.

a. La fiscalité due par l’acquéreur

L’acquéreur est redevable de droit d’enregistrement. Le droit exigible sur les cessions de fonds de commerce est liquidé sur le prix augmenté des charges.

L’administration peut toutefois substituer au prix exprimé la valeur vénale si elle estime qu’elle est supérieure. Les droits d’enregistrement sont de 3% sur la fraction du prix compris entre 23 000 euros et 200 000 euros et 5% sur celle excédant 200 000 euros.

Toutefois, il existe deux régimes dérogatoires relatifs :
- au lieu de situation du fonds de commerce (zones franches urbaines, territoire d’entrepreneurs et les zones de revitalisation rurale) avec l’engagement de maintenir l’activité pendant au moins 5ans. Les taux applicables sont de 1% sur la fraction du prix compris entre 23 000 euros et 107 000 euros, 3% entre 107 000 euros et 200 000 euros et 5% sur celle excédant 200 000 euros. Si l’acquéreur, souhaite revendre son fonds de commerce pendant les 5 ans d’engagement, il est couvert par l’engagement de son repreneur ;
- à la personne du repreneur. En effet, la cession en pleine propriété d’un fonds de commerce artisanal ou la cession de clientèle ainsi que la cession de parts ou d’actions bénéficie d’un abattement de 300 000 euros sur l’assiette du droit de mutation si les conditions suivantes sont remplies :
– L’activité doit être de nature commerciale, artisanale, agricole ou libérale,
– L’acquéreur doit être titulaire d’un CDI depuis deux ans au moins et exercer sa fonction à temps plein ou d’un contrat d’apprentissage soit être proche du cédant (conjoint, partenaire, ascendants, descendants, frères ou sœurs),
– L’acquéreur poursuit à titre d’activité professionnelle unique, et de manière effective et continue pendant 5 ans à compter de la cession, l’exploitation de l’activité. Il assure pendant la même période la direction effective de l’entreprise,
– Les biens ou les droits sociaux sont détenus depuis plus de 2 ans par le vendeur si ce dernier les avait acquis à titre onéreux. A titre de tempérament, l’administration tolère que l’acquéreur puisse reprendre sous forme sociétaire à associé unique. L’engagement de poursuivre l’activité doit être pris dans l’acte d’acquisition.
Au-delà de 300 000 euros, c’est le barème général qui s’applique avec la tranche à 5%.

b. La fiscalité due par le vendeur

Le vendeur est imposé sur l’éventuelle plus-value de cession. Cette plus-value est calculée en retranchant du prix de cession net des charges ayant grevé l’opération, la valeur nette comptable du fonds. La plus-value qui résulte de la cession d’un fonds de commerce est généralement qualifiée de professionnelle. L’imposition de cette plus-value dépend du régime fiscal du vendeur (IS ou IR). Nous envisageons successivement les deux cas de figure :

– Si vendeur est à l’impôt sur le revenu :
Il y a lieu de distinguer si la plus-value est à court terme (fonds détenu depuis moins de 2 ans) ou à long terme (fonds détenu depuis plus de 2 ans). Les plus-value et moins-value du même terme peuvent se compensées entre elles pour donner soit une plus-value nette ou une moins-value nette.
- La plus-value nette à court terme est imposée aux conditions normales de l’impôt sur le revenu, mais peut être étalée sur 3 ans,
- La plus-value à long terme est imposée à 12,8% avec des prélèvements sociaux de 17,2% ; soit 30% au total.

– Si vendeur est à l’impôt sur les sociétés :
Si le fonds de commerce est détenu par une société, il n’y pas de disposition particulière et la plus-value réalisé est soumis à l’impôt sur les bénéfices des sociétés (15%, 28% ou 31%). Qu’il soit à l’IS ou à l’IR, plusieurs dispositions fiscales que nous allons énumérées plus bas, permettent d’être exonéré sous certaines conditions.

c. La fiscalité applicable aux deux parties : la TVA

Si les deux parties (acquéreur et vendeur) sont tous redevables de la TVA, la cession de fonds de commerce qui porte sur une universalité totale ou partielle (partie autonome) de biens est dispensée de TVA.
L’acquéreur est censé prendre la suite du vendeur. Se pose alors la question de la TVA déduite sur les immobilisations qui ne sont pas totalement amorties à la date de la cession. Afin d’éviter les régularisations de TVA au prorata, l’acquéreur prend l’engagement de conserver ces biens pour les années restantes.

B. Traitement fiscal de la cession de titres sociaux

Nous allons présenter la fiscalité due par l’acquéreur et le vendeur.

a. La fiscalité due par l’acquéreur

Le droit d’enregistrement : l’acquéreur est redevable de droit d’enregistrement au taux de 3%. La base taxable est déterminée par le prix éventuellement augmenté des charges augmentatives. L’administration fiscale peut toujours substituer la valeur vénale au prix fixé par les parties si elle est supérieure. L’assiette des droits d’enregistrement est réduite d’un abattement égal au rapport entre 23  000 euros et le nombre de parts cédés. Ce taux est ramené à 0,1% lorsque les titres cédés sont des actions.

Notre conseil : Il peut être intéressant de bien anticiper la cession des titres afin d’envisager une éventuelle transformation de la SARL en SA ou SAS.

Le taux est de 5% pour les titres de sociétés à prépondérance immobilière ; qu’il s’agisse de parts ou d’actions. Ces sociétés sont celles dont l’actif est ou a été au cours de l’exercice précédant la cession, constitué principalement d’immeubles et de droits immobiliers en France.

b. La fiscalité due par le vendeur

Imposition de la plus-value : Différents régimes sont susceptibles de s’appliquer selon le régime d’imposition de la société et selon l’activité et la qualité du cédant.

Une première distinction peut être faite entre les droits sociaux détenus dans les sociétés se limitant à la gestion de son patrimoine et ceux détenus dans les sociétés développant une activité professionnelle.

i. La cession de titres de sociétés n’exerçant pas d’activité professionnelle (généralement les holding passives)

La cession génère soit une plus-value immobilière si la société est à l’IR et qu’elle est à prépondérance immobilière soit une plus-value mobilière si la société est passible de l’IS ou de l’IR sans prépondérance immobilière :
- Si la plus-value est immobilière, elle est exonérée si les titres sont détenus depuis plus de 22 ans pour la part fiscale et depuis plus de 30 ans pour la part sociale,
- S’il s’agit d’une plus-value mobilière, le fait générateur est constitué dès la cession mais l’impôt ne devient exigible que dans le cadre de l’impôt sur le revenu. Les plus-values mobilières sont soumises au prélèvement forfaitaire unique au taux de 30% (12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,20 % de prélèvements sociaux). Cependant, il est possible d’opter pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu.

ii. Les plus-values réalisées par les sociétés lors de la cession de parts de sociétés exerçant une activité professionnelle (les holdings actives et autres sociétés.)

L’imposition sera faite en fonction du régime de la société (IS ou IR) :
- La société à l’IS : en principe, la cession de ces titres génère une plus-value mobilière des particuliers. L’impôt ne sera exigible que dans le cadre de l’impôt sur le revenu. A noter qu’il existe un abattement exceptionnel de 500 000 euros réservé aux dirigeants de PME ; cédants partants à la retraite ;
- La société est passible de l’IR : il convient de déterminer si le cédant exerce ou non son activité professionnelle dans la société dont les titres sont cédés. Si l’associé cédant exerce son activité professionnelle, c’est une plus-value professionnelle qui est réalisée. Si l’associé n’exerce pas son activité professionnelle dans la société, c’est une plus-value mobilière qui est réalisée. Le régime des plus-values professionnelles se divisent en 2 catégories :
– Les plus-values à court terme : détention de titres depuis moins de 2 ans dont la taxation entre dans la quote-part du résultat du cédant,
– Les plus-values à long terme : détention de titres depuis plus de 2 ans, taxée au taux de 12,8% plus les prélèvements sociaux de 17,2%.

iii. Les différents régimes d’exonération

Qu’il s’agisse de la cession d’un fonds de commerce ou de titres de société, l’Etat, afin de favoriser les transmissions d’entreprise a mis en place différents régimes de faveur.

L’exonération en fonction du chiffre d’affaires (Art. 151 septies du CGI.)

Sous certaines conditions, l’exonération de la plus-value est :
- totale si le chiffre d’affaires hors taxes est inférieur à :
– 250 000 euros pour les entreprises industrielles et commerciales de vente ou de fourniture de logement, à l’exception des locations meublées, et les exploitants relevant des bénéfices agricoles ;
– 90 000 euros pour les autres entreprises (prestataires de services) ;

- Partielle si le chiffre d’affaires hors taxes est inférieur à :
– 350 000 euros pour les entreprises industrielles et commerciales de vente ou de fourniture de logement, à l’exception des locations meublées, et les exploitants relevant des bénéfices agricoles ;
– 126 000 euros pour les autres entreprises (prestataires de services).

Le seuil de chiffre d’affaire s’établit sur la moyenne des 2 années civiles précédant la date de clôture de l’exercice de réalisation, de la plus-value. Dans le cas de cession de titres, il faut prendre la quote-part de chiffre d’affaires perçue par le cédant.

L’exonération en fonction du prix de cession (Art. 238 quindecies du CGI)

Sous certaines conditions, si la valeur des biens cédés, hors actifs immobiliers :
- n’excède pas 300 000 euros, l’exonération est total ;
- est comprise entre 300 000 euros et 500 000 euros, l’exonération est partielle.

Par ailleurs, pour bénéficier de ce régime, il ne doit pas avoir de lien de contrôle direct ou indirect, ni de dépendance entre le vendeur et l’acquéreur.

L’exonération pour départ en retraite (Art. 151 septies A du CGI)

Le critère d’application est le départ en retraite et la cessation des fonctions de dirigeant du vendeur dans les 24 mois avant ou après la date de cession. La cession doit porter sur l’intégralité des titres sociaux détenus par le vendeur.

Sous certaines conditions, l’exonération porte sur la totalité de la plus-value. Toutefois, et contrairement aux exonérations susmentionnées, les prélèvements sociaux (17,2%) restent dus.

Abattement pour durée de détention des sociétés à prépondérance immobilière (Art. 151 septies B du CGI)

L’abattement est de 10% par année de détention au-delà de la cinquième année. Elle sera donc totale après 15 ans de détention.

Un cumul d’abattements est possible sous certaines conditions.

Notre conseil :

En pratique, on cherchera toujours à appliquer en premier lieu l’exonération de l’art. 151 septies. A défaut, on cherchera à appliquer l’exonération de l’art. 238 quindecies (liée à la valeur de l’entreprise) qui est moins intéressant au niveau de son champ d’application.

En effet, cet article ne vise que les cessions d’entreprises individuelles ou les branches complètes d’activité. De surcroît, l’art. 238 quindecies n’est pas applicable aux plus-values de cession d’actifs immobiliers bâtis ou non bâtis. A défaut, il faudra tenter l’application de l’art. 151 septies A du CGI pour départ à la retraite dont le champ d’application est encore plus restreint.

Il n’y a pas de formule standard pour une optimisation fiscale. Le traitement fiscal de cession de titres ou de fonds de commerce se fait au cas par cas.

En résumé, opter entre cession de fonds de commerce ou cession de titres ou parts sociales de la société dépendra surtout de la situation personnelle des parties, acquéreur et vendeur. Demandez donc conseil à votre avocat ou expert-comptable.

Baptiste Robelin – Avocat – Droit des affaires

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Cession de fonds de commerce ou cession de titres ? Quelle différence ? Comment choisir ?